Les preuves de noblesse de la famille de Coetnours
 

En 1662(1), un prêtre contesta judiciairement la qualité de noble de son propriétaire afin d’échapper aux corvées. Ce propriétaire se nommait Jean de Coetnours, sieur du Grannec(2), demeurant au manoir de Kernault(3) en Mellac. Avec ses deux seigneuries, des maisons à Quimperlé et quelques autres terres, c’est le représentant le plus aisé de cette famille vraisemblablement enrichie par le commerce maritime(4). En 1661, Jan de Coetnours peut ainsi se « comporter noblement » (particulièrement s’abstenir de travailler), et ce critère, basé sur le mode de vie, est un élément de preuve de la noblesse selon l’article 541 de la coutume de Bretagne, en complément des preuves écrites (tirées des anciennes réformations et des partages nobles antérieurs à une centaine d’années). Le sindic de la communauté de ville de Quimperlé, appelé à témoigner(5), dit qu’il a « de tout temps il a veu ledict sieur se comporter & vivre noblement & de ses rantes sans quil se soict meslé daucun commerce nj traffic & lavoir toussiours veu passer pour gentilhomme parmi les autres du canton ». Cette allusion au commerce renvoie probablement au mode de vie d’autres membres de la famille de Coetnours(6), et probablement de ses ancêtres. Cependant, en droit breton, ces activités lucratives ne remettent pas en cause la noblesse, elles ne font que la suspendre(7). Le Sieur du Grannec n’a donc pas lieu de s’inquiéter des causes d’enrichissement de sa famille.
La faiblesse de son dossier consiste plutôt en l’absence de preuves écrites ; aucun document ancien n’est mentionné dans l’enquête (exposée sur le site de la SAHPL). Quant aux documents récents où il revendique sa qualité d’écuier, ils ne constituent en rien une preuve, et seront mêmes évoqués une dizaine d’années plus tard pour justifier la mise en examen de sa noblesse(8). Jan de Coetnours doit donc évoquer d’autres indices de son ancienne noblesse, essentiellement la présence de son blason(9) en divers lieux très anciens ou des prééminences dans les églises. Les historiens de l’île de Groix, de Riantec ou de Quimperlé en suivant la descente de la Cour de Quimperlé hors de son ressort découvriront un patrimoine ancien qui souvent tombe déjà en ruine en 1662, un patrimoine parfois oublié comme cette chapelle de la Madeleine sur l’île de Groix (marqueur d’une probable léproserie). On pourra regretter que les dessins de l’artiste peintre embauché pour faire des relevés des armoiries et des bâtiments et qui a une grande connaissance de l’art du vitrail, ne soient pas joints à l’enquête.


1 C’est un an après le début du règne personnel de Louis XIV qui avait dès 1661 durcit les peines d’usurpation de noblesse dans le ressort de la Cour de Paris, et trois ans avant le lancement de la grande réformation de la noblesse du royaume.
2 Le Grannec = petite seigneurie de Querrien actuellement en Locunolé ; en 1481 on parle du « manoir du Grannec » , bien que les commissaires de la réformation des fouages ne voient pas en 1426 « apparence de manoir » en ce lieu qui appartient à Jehan de Chefdubois seigneur du Brulé (actuel château du Brulay en Bubry ( Hollocou & Plourin : « Les noms de lieux et leur histoire – de Quimperlé aux Montagnes Noires »). Il s’agit de terres achetées, tout comme les autres lieux nobles qui y sont associés dans la déclaration Renée Le Veer veuve de Jan de Coetnours en 1681 ; ainsi le lieu noble de Lopers en Querrien appartenait au XVe & XVIe siècles au seigneur de Quimerc’h…etc… La contestation porte sur des corvées liées aux terres de l’Isle Gourlay dépendantes de cette seigneurie.
3 Kernault est la plus importante seigneurie de la paroisse de Mellac ; elle appartenait au beau-père de Jan de Coetnours, Jean Le Veer, qualifié dans la déclaration précitée de sa fille de 1681, à la fois de « noble homme » et « d’écuier ». Ce même document mentionne que la juridiction de cette seigneurie « a cessé d’exercer puis les soixante ans ou environ ».
4 Tout comme un représentant de la famille Gourouc, cette famille étant, comme les Coetnours, originaire de l’Ile de Groix.
5 ADF 9B111- 17 octobre 1662- 3e enquête civile (texte et transcription partielle en ligne sur le site de la SAHPL).
6 Ainsi en octobre 1633, Guillaume de Coetnours et François Loheac sont appréciateurs des grains et qualifiés d’ « honorables gens », (ADF 9B170 – 2 octobre 1633). En juin 1657, Regnault de Coetnours est qualifié de « marchand de Quimperlé » (ADF 9B55– vente de 100 tonneaux de « grosse avoine de Clouhal » par Regnault de Couetnours et Gme Aumont «marchands de Quimperlé »). En 1658, Guillemette de Coetnours et Gildas le Gouzronc organisent un festin de noces au port de Douelan : « Jacques Lozechmeur dit … (que) ladicte dame Gourlaouen deffanderesse fust mariée en premiere nopces il y a plus de trante et deux ans de cinq ou six mois & en estre bien certain daultant quil estoit presant a la nopce quy fust cellebrée par missire Pierre Gourlaouen curé lors de ladicte paroisse dans la chapelle de St Gutierne… au prieuré de Doueslan & ensuilte assista avecq les autres convives au festin quy se fist au hauvre de Doueslan chez Gildas Le Gouzronc lesné & Guillemette de Couetnours… » ( ADF 9B109 – enquête civile du 8 juillet 1658). En 1653, Louis de Coetnours est simple sergent de Sainte Croix (ADF 9B107 12 août 1653. – voir également ADF 9B111 -17 avril 1665, & ADF 9B57 –octobre 1657). En 1670, René de Couetnours, sieur de Kermeer, est qualifié de « marchand » (ADF 9B112 -11 novembre 1670 – voir également : ADF 9B214 18 novembre 1686). En 1671, Catherine de Coetnours vend du vin (ADF 9B94 8 juin 1671 - registre du bureau des devoirs)…etc
7 Paul Devolant (1722): « receuil d’arrest rendus au Parlement de Bretagne… » = « Quoique des Nobles ayent exercé le commerce de père en fils pendant plusieurs générations, ou ayent été de quelques Arts ou Métiers pendant les 100 ou 200 ans derniers, ou pendant quelque temps que ce soit, cela ne détruit point le principe de leur Noblesse, laquelle demeure seulement suspendue pendant ce temps là. En quittant ce commerce ou emplois, ils reprennent leur Noblesse privilège d’icelle, sans avoir besoin de Lettres de réhabilitation, la Noblesse ne se perdant jamais. »
8 Voir ADF 9B281 – 10 novembre 1673 - liste des personnes ayant pris la qualité de chevalier ou d’écuier : « Charles Auffret greffier de la cour royalle de Quimperlé obéissant à larrest de la chambre souveraine establie par le Roy pour la réformation de la noblesse de ceste province de Bretaigne dabté du 7e octobre dernier, publié en laudiance de ladicte Cour de Quimperlé le 31e dudict mois, fournit le présant extrait a monsieur le procureur du Roj de ladicte Cour des personnes qui ont pris les quallités de chevallier et descuier au greffe de ladicte Cour, depuis son precedant extrait par lui deslivré audict sieur procureur du Roj le 28e 7bre 1668.
Par acte de remboursement du 18e 8bre 1668, entre …. Jan de Couetnours Sr du Grannec a prins la quallité descuier …. ».
9 Ce blason a été publié dans cette revue : SAHPL Bulletin 2012- Aude Dhailly : « Qui possédait les terres sous l’Ancien Régime à Riantec ? ».

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